Un projet de maison close fait jaser à Corcelles
135 personnes ont fait opposition au projet de Samuel Pradervand. Le Corçallin veut transformer une maison en salon de prostitution.

"On va bientôt remplacer notre sobriquet d’ours blancs par des cochons!" Cette habitante de Corcelles-près-Payerne, dans la Broye, est remontée. Elle ne veut pas d’un nouveau salon de prostitution à quelques rues de chez elle. Ce projet a été mis à l’enquête au début août.
L’initiateur est un enfant du village: Samuel Pradervand, 32 ans. Il a déjà lancé deux escape games à Corcelles, dont La Maison hantée, à la route de la Maladaire, qu’il a entièrement construite de ses mains. Des concepts très bien accueillis par la population jusqu’à présent.
Mais ce n’est pas le cas de sa dernière idée en date: transformer les trois appartements de la maison de maître, juste à côté de La Maison hantée, en bar cabaret inspiré de Moulin Rouge au rez-de-chaussée et six chambres de prostitution à l’étage. Le bâtiment, dont il est propriétaire, se trouve dans une zone industrielle, mais à proximité de villas et de crèches.
Trois établissements, c'est trop
135 personnes ont fait opposition. Nous avons pu rencontrer plusieurs d’entre elles. Toutes veulent rester anonymes. Elles estiment qu’avec un salon de prostitution près de la gare du nord et un club libertin quelques mètres plus loin, il y a déjà bien assez d’activité sexuelle dans leur village de 3100 âmes environ. "Pour moi, ça suffit! Ce n’est pas pensable qu’en 2025, on traite les femmes de cette façon. C’est complètement à l’encontre de mes valeurs", explique une Corçalline.
"C’est de l’esclavage, certes autorisé par la loi, mais ça reste de l’exploitation humaine et c’est absolument dégueulasse, je ne peux pas cautionner ça", abonde un habitant.
Un autre reproche formulé par les habitants : les tenanciers de salons de prostitution veulent uniquement gagner de l’argent sur le dos des femmes. Samuel Pradervand se défend: "Ce n’est pas vrai. Mon but est de faire plaisir aux gens. J’aime les voir heureux, comme quand ils sortent de La Maison hantée."
Pour les hommes seuls
Pourquoi alors ne pas ouvrir uniquement un bar des années 30 et vouloir absolument proposer des chambres avec prostituées? "Je pense aux hommes qui se sentent seuls et qui ont besoin de compagnie. En plus, ce ne sera pas un salon de prostitution quelconque, mais un club haut de gamme, un concept unique en Suisse, avec des filles bien habillées, du style escort. Il y aura des spectacles pour tout le monde, de la musique, de la magie, de la bonne humeur", décrit Samuel Pradervand.
Les citoyens de Corcelles craignent que les clients du futur établissement fassent du bruit, qu’il y ait beaucoup d’allées et venues dans leur village, que les enfants soient confrontés à des scènes de nudité. Samuel Pradervand assure qu'il sera présent sur place chaque jour pour éviter des débordements et que tout se passera bien.
Cela ne suffit pas à rassurer les habitants que nous avons pu rencontrer à Corcelles. Ils regrettent que leur village soit connu loin à la ronde pour ses lupanars et pas pour d'autres raisons. "Quand je dis que j'habite Corcelles, on me parle toujours de ses "bouibouis", donc de ses lieux de débauche. J'aimerais mieux qu'on évoque des souvenirs plus glorieux", regrette un sexagénaire.
Et que pense le tenancier de l'un de ces fameux "bouibouis" de Corcelles sur l'éventuelle ouverture d'une nouvelle maison close? Patrick Chevalley tient depuis 15 ans "Le Rendez-Vous", le bar et salon de prostitution près de la gare du nord.
A l'aube de la retraite, il en a vu bien d'autres et suit de loin les discussions sur le sujet. "Ce projet de deuxième salon ne me dérange absolument pas. Je n'ai même pas été voir les plans à la commune. Il y a de la place pour tout le monde. Plus de la moitié de ma clientèle vient de l'extérieur. C'est plus discret, on ne va jamais dans son jardin", commente-t-il d'un air amusé et détaché.
Malgré un préavis défavorable de la Municipalité de Corcelles, Samuel Pradervand déclare qu'il ira jusqu'au bout pour ouvrir son salon de prostitution: "Je suis jeune. J'ai le temps, la patience et la détermination."
Pour Patrick Chevalley, le projet a de bonnes chances d'aboutir. "A mes débuts ici, tout le monde me regardait bizarrement, mais aujourd'hui, ce n'est plus le cas. J'ai de bons contacts avec toute la population. Tout est possible à Corcelles! Le projet du club libertin avait aussi recueilli une centaine d'oppositions à l'époque et deux ans après, son patron est devenu municipal!", déclare en rigolant le tenancier.
Le dossier de Samuel Pradervand, avec ses 135 oppositions, est maintenant sur le bureau de la police du commerce et du canton de Vaud.