Le président malgache entend rester en place
Le président malgache, Andry Rajoelina, a écarté lundi soir toute démission dans sa première prise de parole depuis un lieu inconnu, après le ralliement des militaires à la contestation qui agite le pays. Il a appelé à "respecter la constitution".

Lors de ce direct diffusé sur les réseaux sociaux mais pas à la télévision publique malgache, M. Rajoelina s'est dit dans un "lieu sûr" après une "tentative de meurtre", sans plus de précision sur sa localisation.
Selon la radio française RFI, il est parti à l'étranger. Mais l'incertitude demeure sur l'endroit où il se trouve, nourrissant la confusion sur cette île très pauvre de l'océan Indien, où de nouvelles scènes de joie ont eu lieu lundi dans la capitale Antananarivo entre militaires et des milliers de manifestants appelant à son départ.
"Il n'y a qu'une seule issue pour résoudre ces problèmes: c'est de respecter la constitution en vigueur dans le pays", a affirmé le président de 51 ans, rejetant de fait les appels à la démission du mouvement de contestation né le 25 septembre.
Soldats à la télévision
Elu en 2018, puis réélu en 2023 pour un mandat de cinq ans lors d'un scrutin boycotté par l'opposition, M. Rajoelina n'a pu faire diffuser son allocution par la télévision publique TVM après l'arrivée d'un "groupe de soldats armés" au siège de la chaîne télévisée.
D'après RFI, il a embarqué dimanche "à bord d'un avion militaire français pour La Réunion, avant de partir vers une autre destination avec sa famille". "Je ne confirme rien aujourd'hui", a répondu à ce sujet depuis l'Egypte le président français, Emmanuel Macron, disant sa "grande préoccupation" pour Madagascar.
Des remises de peine ont été accordées lundi par décret présidentiel à une série de personnes parmi lesquelles le Franco-Malgache Paul Maillot Rafanoharana, emprisonné depuis 2021 pour tentative de coup d'Etat et point de crispation entre les deux pays.
En fin de semaine dernière, une unité militaire, le CAPSAT, qui avait joué un rôle majeur dans le coup d'État en 2009 ayant porté au pouvoir M. Rajoelina, à la suite déjà d'une mobilisation populaire, a appelé les forces de sécurité à "refuser de tirer" sur les manifestants, avant de rejoindre ces derniers dans le centre de la capitale.
"Plus de dinosaures"
"C'est tout bizarre, vu qu'on était habitué à toujours être pourchassé et bombardé par des gaz lacrymogènes", a témoigné auprès de l'AFP Finaritra Manitra Andrianamelasoa, 24 ans. Cet étudiant en droit figurait parmi les milliers de manifestants ayant rejoint lundi la place du 13-mai dans une ambiance de fête.
Marchant au rythme d'une fanfare, le cortège a enflé à mesure qu'il approchait de ce lieu symbolique de l'histoire politique malgache, baptisé en hommage aux tués d'un soulèvement populaire en 1972 ayant conduit au départ du premier président.
"Au tout début, ce qu'on demandait, c'était l'électricité, la liberté de s'exprimer, mais on attend actuellement sa démission", a asséné Steven Mandimbiarivong Rasolonjanahary, 19 ans, un autre étudiant en droit.
"On attend sa démission, mais, le connaissant, je ne crois pas qu'il va dire cela", pronostiquait Rotsinasandratra Lucas Hantamalala, étudiante de 20 ans. "Plus de dinosaures politiques s'il vous plaît! On en a assez vu", exhorte-t-elle.
Départ du président du Sénat
Le mouvement de contestation, qui dénonçait au départ les coupures incessantes d'eau et d'électricité, s'est mué depuis en une contestation plus large du président Rajoelina et de son clan.
Le conseil sécurité de l'Union africaine "rejette catégoriquement toute tentative de changement anticonstitutionnel du gouvernement dans le pays", a-t-il averti lundi dans un communiqué qui "exhorte toutes les unités des forces armées malgaches à "s'abstenir de toute ingérence dans les affaires politiques".
Les manifestants ont obtenu ce week-end le départ du décrié président du Sénat Richard Ravalomanana, ancien commandant de gendarmerie. Surnommé "général Bomba" pour son recours généreux aux grenades lacrymogènes lors de la crise de 2009, Richard Ravalomanana était accusé par les contestataires d'être un des principaux acteurs de la répression des manifestations ces dernières semaines.
Quant au troisième homme vilipendé par la rue, l'homme d'affaires et proche du chef de l'Etat Maminiaina Ravatomanga, il a fui dimanche matin à l'île Maurice voisine, comme l'a confirmé le gouvernement mauricien.
Au moins 22 personnes ont été tuées au début des manifestations et plus d'une centaine blessées, d'après un bilan de l'ONU. Madagascar, île à la population très démunie, a une longue histoire de soulèvements populaires suivis par la mise en place de gouvernements militaires de transition.