Sauver une espèce pour en condamner d’autres

Une étude de l'Université de Fribourg révèle que l'introduction d'animaux menacés dans de nouveaux territoires nuit plus qu'elle n'aide.

Le cerf-cochon, ici un mâle et une femelle, est la seule espèce dont l'introduction dans de nouveaux territoires n'a pas eu d'impact négatif sur l'écosystème. © DR

Introduire des animaux menacés dans de nouveaux territoires pour les sauver de l'extinction… Sur le papier, l'idée peut sembler bonne. Pourtant, une nouvelle étude de l'Université de Fribourg, publiée dans la revue spécialisée Nature Communications, démontre le contraire. Cette stratégie pourrait causer plus de dégâts à la biodiversité qu'elle n'apporte de bénéfices.

"Étant donné le déclin des populations animales, en particulier chez les grands mammifères herbivores comme les éléphants, les buffles ou les chameaux, on observe un intérêt croissant pour leur introduction en dehors de leur aire d'origine à des fins de conservation", explique Giovanni Vimercati, chercheur de l'Université de Fribourg dans un communiqué. Les exemples d'espèces introduites, volontairement ou non, provoquant des dégâts importants sur la faune et la flore locale sont nombreux. Mais existe-t-il des cas où cette stratégie a quand même eu des impacts positifs?

Pour répondre à cette question, trois chercheurs de l'Université de Fribourg ont analysé plus de 2000 impacts liés à l'introduction de grands mammifères en dehors de leurs régions d'origine à travers le monde. Les résultats sont alarmants, communique ce mardi l'Université de Fribourg. Malgré les meilleures intentions, cette stratégie cause souvent plus de tort que de bien à la biodiversité locale. En moyenne, seul un impact sur cinq de l'introduction de ces mammifères est positif pour les écosystèmes qui les accueillent.

Des effets négatifs qui surpassent largement le positif

En effet, certaines espèces indigènes tirent parfois profit de cette situation, mais bien fréquemment au détriment d'autres. Les animaux introduits vont par exemple permettre à des plantes rares de prospérer en broutant d'autres végétaux concurrents.

Sur tous les cas analysés, les scientifiques n'ont d'ailleurs trouvé qu'une seule espèce pour laquelle aucun impact négatif n'a été rapporté dans la littérature scientifique: le cerf-cochon. Ce petit cervidé menacé originaire du Pakistan et de la chaîne de l'Himalaya a été introduit notamment en Australie, aux États-Unis et au Sri Lanka.

Et finalement, en analysant les impacts positifs sur les écosystèmes, les scientifiques ont réalisé que ceux-ci étaient peu marqués, et avaient même diminué avec le temps, contrairement aux dégâts qui sont restés constants et plus importants.

Les chercheurs et chercheuses de l'Université de Fribourg alertent donc sur cette stratégie de conservation. Plutôt que de jouer aux apprentis sorciers en déplaçant des espèces, ils recommandent une évaluation rigoureuse des risques et des bénéfices avant toute intervention. "Mieux vaut prévenir qu'introduire", conclut le communiqué.

Frapp - Mattia Pillonel
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