Migros: du colporteur au géant orange en un siècle

D’un camion à Zurich à des milliers de magasins, Migros a bouleversé la consommation suisse en un siècle.

Au début, Migros ne vendait que six produits: café, savon, riz, graisse de coco, sucre et cornettes. © KEYSTONE

Il y aura cent ans ce vendredi, le 15 août 1925, naissait Migros. Fondée par Gottlieb Duttweiler, la petite entreprise qui a débuté son activité avec cinq camions Ford-T sillonnant la ville de Zurich, est depuis devenue le géant orange, numéro un helvétique du commerce de détail.

Le 10 août 1925, Gottlieb Duttweiler adresse une requête à la préfecture de police de Zurich: il demande la permission de "proposer à la vente" des aliments dans des emplacements publics, le but de sa nouvelle entreprise étant de vendre le plus rapidement, le plus efficacement et, de ce fait, le moins cher possible des produits à bord de véhicules qui sillonneront les quartiers de Zurich. La société Migros SA, fondée le même jour, dispose d'un capital de 100'000 francs, de cinq camions-magasins, d'un bureau et de deux entrepôts.

Au début, Migros ne vend que six produits: café, savon, riz, graisse de coco, sucre et cornettes. Non seulement la contenance des articles vendus est plus élevée que chez la concurrence, mais les prix sont aussi inférieurs de 10 à 30%.

Un an environ après la mise en circulation de ses camions, Gottlieb Duttweiler ouvre un premier magasin stationnaire, situé dans le quartier industriel de Zurich. Institué nouveau siège de Migros, le bâtiment abrite un local de vente, un bureau, un garage pour les camions-magasins, un entrepôt et un centre d'emballage au sous-sol. Le jour de son inauguration, le magasin propose 48 produits, parmi lesquels des fruits frais et des pommes de terre non disponibles dans les camions-magasins.

En 1932, Migros Berne ouvre à Neuchâtel le premier magasin de Suisse romande. C'est elle qui l'approvisionnera entièrement jusqu'en 1949, malgré la fondation en 1941 de la Société coopérative Migros, sise à Neuchâtel, couvrant aussi le canton de Fribourg. Qu'importe, les Bernois ouvrent un magasin à Sugiez, dans le canton de Fribourg. Presque au même moment, les Vaudois, s'implantent eux-mêmes à Bulle (Fribourg). Mais les Neuchâtelois craignent de voir leur nouveau centre de distribution sous-exploité. Ils demandent donc la médiation de la Fédération des coopératives Migros. Cette affaire mettra plus d'un an à trouver son dénouement, qui restera d'ailleurs inconnu puisqu'il n'existe nulle trace écrite du résultat de la médiation. Aujourd'hui, la commune de Bulle fait partie de la zone de chalandise de la coopérative Neuchâtel-Fribourg et le magasin de Sugiez a disparu.

Conserves et M-Budget

En 1945, Migros rachète une conserverie à Bischofszell, en Thurgovie. Grâce à la modernisation des machines, la production augmente de façon continue. En 1956, la demande de conserves est telle que Migros ouvre un deuxième site de production, en Suisse romande cette fois: Conserves Estavayer SA. Migros est alors parée pour aborder la période d'après-guerre, qui verra la demande de conserves augmenter sans discontinuer. Cependant, dès 1956, la demande ne peut plus être satisfaite. Migros construit alors un deuxième site de production à Estavayer-le-Lac, d'où elle approvisionne la Suisse romande.

Lors du passage au libre-service, en 1948, Migros décortique chaque opération du processus de vente pour le rationaliser au maximum. Lors du réagencement, les responsables Migros s'inspirent des magasins libres-services étrangers. Des Anglais, ils empruntent pratiquement telles quelles les "étagères à tête ronde", ces présentoirs à marchandises aux larges côtés arrondis. Il en va de même pour l'étiquetage des groupes de produits.

En 1996, neuf ans avant qu'Aldi et Lidl n'ouvrent leurs premiers magasins en Suisse, Migros lance six produits du quotidien pour petits budgets et familles nombreuses sous la marque M-budget. Gianni Lutz, chef de projet Marketing, a dès le départ une idée claire du design souhaité: "Il doit être contraire à toutes les notions de bon goût." En 1998, les premières "fêtes M-Budget" voient le jour. Cinq ans plus tard, la famille s'est bien agrandie et le label est devenu culte. Aujourd'hui, les boissons énergisantes, les téléphones mobiles, les chips, les pâtes et le lait sont les produits M-Budget les plus vendus.

En 2022, Migros lance une vaste consultation sur une renonciation son plus grand tabou: la vente d'alcool, dont l'interdiction avait été inscrite dans les statuts de l'entreprise par son fondateur. La réponse des coopérateurs sera sans équivoque, avec des "non" à plus de 70% dans la plupart des coopératives régionales. S'ils restent bannis des rayonnages de ses supermarchés, le géant orange propose néanmoins de longue date déjà une vaste palette de vins, bière et autres spiritueux sur son portail en ligne comme dans sa filiale à bas coût Denner.

ATS
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