Les paysans à cours de caisses pour stocker leurs patates
Alors que la récolte de pommes de terre bat son plein, la Suisse est frappée par une pénurie inédite qui concerne les caisses en bois.

Entre les mois de septembre et octobre, c'est la saison des pommes de terre pour les agriculteurs. Il faut d'abord les arracher à l'aide d'une machine spéciale, puis les trier et enfin les stocker pour l'hiver dans des caisses en bois, que l'on appelle "palox". Seulement, depuis plusieurs semaines, il y a une pénurie de ce genre de caisses en Suisse.
"C'est un peu la guerre des palox, tout le monde en a besoin", témoignent Jean-Bernard Bapst, qui est agriculteur à Grolley. Mardi matin, il devait, avec son fils Francis Bapst, récupérer 48 palox vides, mais à cause d'une redistribution de dernière minute, ils n'ont pu en prendre que 24. "Ceux qui en ont essaient d'en donner un peu à tout le monde, il n'y a pas de préférence."
Surpris par les bons rendements
Habituellement, ce sont les grands groupes industriels qui se chargent de fournir les palox aux agriculteurs, mais cette année tout ne s'est pas passé comme prévu. Depuis 2020, les récoltes de pommes de terre sont mauvaises, voire très mauvaises en Suisse. Mais une fois n'est pas coutume, cette année, la météo a été favorable et les rendements sont de retour à la normale.
Le problème, c'est que les industriels n'ont pas anticipé cette hausse soudaine. "On voyait partout traîner des piles de palox vides à l'extérieur en fin de saison", raconte Francis Bapst. "Il y a un grand manque, car les stocks se sont détériorés et n'ont pas été renouvelés."
Une situation frustrante
Pour les agriculteurs, cette pénurie de caisses en bois est vraiment handicapante. Certains ont dû ralentir la cadence, ne récoltant plus que deux jours par semaine au lieu de cinq, en attendant de recevoir de nouveaux palox. Mais cette solution a un coût: il faut payer la main-d'œuvre davantage de jours et les pommes de terre restent plus longtemps dans les champs.
C'est alors tout un planning qui est bouleversé, puisque les paysans aiment bien planter du blé après les patates. Seulement, "si on est en retard pour le semi de blé, on risque de péjorer toute la culture suivante", poursuit Francis Bapst.
Si la situation n'était pas dramatique jusqu'à maintenant, elle pourrait très prochainement s'aggraver. En effet, d'après les prévisions météorologiques, la semaine prochaine s'annonce comme très pluvieuse. Le risque pour les agriculteurs est de ne pas réussir à terminer la récolte à temps. Cela aurait un impact néfaste, car il est mauvais de travailler dans les champs quand les sols sont détrempés.
Un immense tas dans un hangar
Face à cette situation inquiétante, Francis Bapst a préféré prendre les devants. Il a fait un tas de 150 tonnes de pommes de terre en vrac dans un hangar pour libérer quelques palox. En stockant sa production ainsi, il prend le risque de l'abimer. Il faut les garder à l'abri de la lumière et bien ventilées, car sinon elles pourrissent.
"Ce qui me dérange, c'est que si ces pommes de terres ont un problème de qualité parce qu'elles sont stockées en tas, c'est de ma responsabilité et la perte est pour moi, alors qu'on était censé me fournir les palox en conséquence", proteste l'agriculteur de Grolley. En cas de mauvais stockage, la perte peut vite se chiffrer en milliers, voire dizaines de milliers de francs.