Langues officielles et bilinguisme en jeu à Fribourg

L’avant-projet de loi sur les langues officielles et la promotion du bilinguisme à Fribourg suscite l'opposition de la Communauté romande du Pays de Fribourg (CRPF). Cette dernière plaide pour le statu quo, alors que le Conseil d'Etat veut favoriser l'émergence de communes bilingues.

Le dernier mot reviendra au Grand Conseil ces prochains mois. © KEYSTONE

La consultation s'est achevée récemment. L'avant-projet propose de créer une base légale pour la détermination des langues qui pourront être le français et l’allemand dans les communes comptant une minorité linguistique autochtone "importante". Douze pourraient devenir officiellement bilingues, via des votations d'ici à 2030.

La Constitution cantonale prévoit que, dans les communes avec une minorité linguistique autochtone importante, le français et l'allemand peuvent être les langues officielles. Le texte de la Direction des institutions (DIAF) précise les critères pour qu’une communauté linguistique soit à la fois "autochtone et importante".

Critère numérique

Sur le plan du critère numérique, il est prévu de considérer qu’une communauté présente sans interruption depuis au moins une génération (25 ans) et représentant au moins 10% de la population peut être considérée comme importante. Une présence historique d’au moins deux générations (50 ans) pourrait aussi être invoquée à elle seule.

La nouveauté au regard des projets antérieurs repose sur l’importance accordée à l’autonomie communale: conformément à la Constitution, une commune comptant une minorité linguistique autochtone importante pourra avoir deux langues officielles, mais n’y sera pas contrainte, selon l'explication délivrée en juin.

Le texte précise en outre les impacts de l’adoption de deux langues officielles: les habitants pourront s’adresser aux organes dans la langue officielle de leur choix et obtenir des réponses dans cette langue. Tous les documents publics destinés à l’ensemble de la population devront être disponibles aussi dans les deux langues.

Pour le statu quo

Ce bilinguisme institutionnel n’implique toutefois pas un bilinguisme individuel. Tant les personnes élues que les membres du personnel communal pourront s’exprimer dans la langue de leur choix, la commune devant prendre les mesures organisationnelles nécessaires pour que les prestations soient délivrées dans les deux langues.

Pour soutenir les communes faisant le choix d’adopter deux langues officielles et de contribuer au renforcement du bilinguisme du canton, une aide financière unique leur serait accordée à hauteur de 100 francs par habitant. L'avant-projet prévoit encore l'instauration d’un poste de délégué cantonal au bilinguisme.

Dans un document de 55 pages, publié en octobre, la CRPF estime que "la pratique actuelle des 120 communes unilingues fribourgeoises, sauf celle de la ville de Fribourg, est satisfaisante". A ses yeux, la loi "doit conforter cette paix des langues et non engendrer des querelles linguistiques pour des motifs politiques ou idéologiques".

Unir pas diviser

Ainsi, "la langue officielle d’une commune doit être celle qui permet d’unir et d’intégrer toute sa population, y compris celle qui est issue de l’immigration, non pas de la diviser". La CRPF craint qu’au sein des communes qui deviendraient bilingues "les francophones soient de fait relégués au rang de citoyens de seconde classe".

"En effet, les parfaits bilingues sont naturellement les plus qualifiés pour défendre efficacement, dans un débat en deux langues, un projet ou pour négocier une cause au cœur d’un exécutif bilingue, ainsi que pour assumer la présidence des diverses commissions et des conseils généraux bilingues", avance la communauté.

Minorité favorable

En face, l’association Kund (pour Kultur Natur Deuschfreiburg), qui défend les intérêts de la minorité germanophone, un quart de la population du canton, se dit favorable à l'avant-projet. Elle salue notamment "le seuil de 10% au moins de personnes qui utilisent la langue minoritaire, ou une pratique bilingue (...)".

"Comme les frontières linguistiques sont plus anciennes que les frontières politiques, un principe de la territorialité extrémiste, principe qui devrait protéger les langues minoritaires, n’est pas efficace dans une région de bilinguisme historique", note Kund, pour qui "le vote populaire garantira l’autonomie communale et une large adhésion au projet".

ATS
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