"J'ai vu les impacts de balle, le sang, un quartier meurtri"

10 ans après les attentats du 13 novembre, une Parisienne participe aux hommages pour que les victimes ne tombent pas dans l'oubli. Témoignage.

Françoise Penin a été témoin des séquelles des attentats du 13 novembre 2015, notamment dans le quartier où les terrasses ont été visées par les terroristes. © KEYSTONE/DR

10 ans après les attentats djihadistes du 13 novembre, la France se recueille ce jeudi. Des cérémonies d'hommage, retransmises en direct, se dérouleront successivement sur chaque lieu des attentats en région parisienne: le stade de France, les terrasses, et le Bataclan. Là où 130 personnes ont été tuées ce soir-là.

Mais sur place, les hommages ont déjà débuté. Depuis plusieurs jours, des particuliers viennent déposer une fleur ou une rose place de la République à Paris, répondant ainsi à l'appel de la maire de la capitale. Parmi les anonymes, Françoise Penin, cadre-infirmière de 55 ans. Elle témoigne pour RadioFr.

Des fleurs sur la place de la République, pour commémorer les attentats du 13 novembre 2015 (Françoise Penin)

"J'ai vu les impacts de balle, les tâches de sang, tout un quartier meurtri. C'est important pour moi de participer à ces commémorations. C'est une manière de se souvenir de toutes les victimes. Certaines sont décédées. Mais elles continuent à exister tant que l'on se souvient d'elles."

Un silence pesant

Françoise Penin habite dans le 11ème arrondissement de Paris, à 150 mètres du bar-restaurant La Belle équipe, l'une des terrasses visées par les terroristes. Sur ce trottoir, devant la terrasse où 21 personnes ont été tuées, ce vendredi 13 novembre 2015, elle passe en début de soirée. On est moins de deux heures avant les attentats. "J'ai réalisé après coup que je l'avais échappé belle."

Devant le bar La Belle équipe, le 13 novembre 2016 (Keystone)

Ce soir-là, la quinquagénaire sort fêter un anniversaire avec un ami, dans un restaurant de l'autre côté de la ville. Quand elle rentre chez elle, elle apprend par les hauts-parleurs du métro que des attentats sont en cours. Les passagers sont inquiets.

Quand elle sort du métro au moment de monter les escaliers, la première chose qui la frappe, c'est le silence. "Un silence bizarre. Il manque de vie, à une heure où d'habitude les rues sont animées, les cafés bondés", se souvient-elle.

Retour sous escorte

Elle voit des véhicules de police et des véhicules militaires passer. Elle comprendra plus tard qu'ils étaient en route pour la salle de spectacle du Bataclan, située à un kilomètre et demi de là, où une prise d'otages a lieu.

Quand Françoise Penin bifurque pour emprunter la rue où elle habite, elle tombe sur un barrage policier. "J'ai pu rentrer chez moi sous escorte policière. J'étais entourée de deux policiers armés. Ils ont été professionnels. Eux non plus ne comprenaient pas ce qui était en train de se passer. On était tous sidérés."

Au fur et à mesure que Françoise Penin s'approche de chez elle, elle s'approche aussi de La Belle équipe, qui vient d'être attaquée. "J'ai le souvenir de voir des véhicules de pompiers, des gens partout, des couvertures de survie, et des gyrophares. Beaucoup de gyrophares."

Pendant longtemps, leur vision lui rappellera cette nuit d'horreur et les jours qui ont suivi. Un quartier bouclé, silencieux, où la police scientifique s'affaire. Une vitrine criblée de balles. Des fleurs et des mots d'hommage qui s'accumulent à l'entrée.

Pensée pour les victimes

Aujourd'hui, 10 ans après, la vie a repris normalement dans ce quartier. Le bar-restaurant a rouvert depuis bien longtemps. Sur une plaque commémorative, on peut lire le nom des 21 personnes tuées sur les lieux ce soir-là. La Parisienne assure qu'elle pense aux victimes quand elle passe devant. Encore aujourd'hui. 

"Je n'ai pas changé ma manière de vivre depuis les attentats, mais j'ai réalisé que tout le monde aurait pu être visé. Cela aurait pu arriver à n'importe qui. Chacun d'entre nous aurait pu être fauché. C'est aussi pour cela que c'est important de se souvenir aujourd'hui. Et d'être solidaire."

RadioFr. - Maëlle Robert
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