HFR: la réadaptation oncologique au coeur d'Octobre Rose
À l'HFR, un programme pionnier accompagne les femmes atteintes d'un cancer du sein pendant leur traitement. Son responsable nous explique.

Frapp: Dans le cadre du mois de sensibilisation Octobre Rose, l'Hôpital cantonal met l'accent sur le programme de réadaptation oncologique. En quoi consiste-t-il?
François Volery: Notre projet est un programme de recherche précurseur en Suisse. Concrètement, les patientes qui commencent leur traitement de chimiothérapie bénéficient en parallèle de deux séances d'activité physique par semaine - pilates, cardio et musculation. Elles participent également à trois séances de nutrition en groupe, une séance mensuelle de psycho-oncologie collective, et sont suivies par une spécialiste en médecine intégrative (ndlr: la médecine intégrative recouvre tous les types de médecines qui ne sont pas dans la médecine occidentale conventionnelle) ainsi que par le service social de la Ligue fribourgeoise contre le cancer.
Pourquoi proposer de l'activité physique pendant les traitements?
Il existe encore cette idée selon laquelle, quand on est malade, il faut rester tranquille. Le repos est certes nécessaire, mais rester immobile et inactif, c'est délétère. Des études ont démontré que l'activité physique est bénéfique, même pendant une chimiothérapie. Les patientes qui bougent présentent moins d'effets secondaires, nécessitent moins d'ajustements de doses, et ont un meilleur moral. Autre bénéfice majeur: le risque de récidive diminue. L'objectif du programme est donc de maintenir le niveau physique pendant les traitements, pour permettre aux patientes de retrouver leur vie normale après la maladie.
À quel stade de la maladie proposez-vous cette réadaptation?
Dès le début des traitements. Nous proposons le programme à toutes les patientes de moins de 65 ans traitées au centre du sein de Fribourg pour un cancer en stade curatif. S'il y a d'abord une chirurgie, on attend 4 à 6 semaines de récupération. Sinon, cela peut commencer le jour du début de la chimiothérapie.
Les patientes acceptent-elles toutes de participer au programme?
La participation est légèrement inférieure à notre objectif de 50%. Cela s'explique principalement par la crainte d'une surcharge d'activités en parallèle des traitements. Certaines patientes sont également moins à l'aise en groupe, et d'autres hésitent à participer à un projet de recherche. Une trentaine de femmes sont actuellement en cours de réadaptation. L'objectif est d'inclure 100 patientes sur deux ans. Nous intégrerons les dernières patientes début 2027, et elles termineront leur réadaptation d'ici début 2028.
Quels sont les premiers résultats observés ?
Très positifs! Nous avons les résultats physiques des quatre premières patientes du projet pilote. Leur endurance baisse pendant la chimiothérapie, c'est normal, mais elles récupèrent leur niveau de base en moins de trois mois après la fin des traitements. Plus remarquable encore: pendant les traitements, malgré les chimiothérapies, elles ont augmenté leur force musculaire.
Y a-t-il d'autres bénéfices?
Ce que je n'avais pas anticipé, c'est l'effet social et moral. Ces patientes, qui se retrouvent très isolées au moment du diagnostic, ont créé un groupe extrêmement soudé. Elles se retrouvent même en dehors de la réadaptation, certaines sont devenues amies. Cet accompagnement dès le début des traitements les rend plus fortes entre elles.
Ce projet a été lancé au début de l'année. Pourquoi survient-il maintenant?
Les grandes études nordiques qui ont démontré les bénéfices de cette réadaptation pendant le traitement datent d'environ cinq ans seulement. C'est assez récent. Dans le canton de Fribourg, nous avions la chance d'avoir le centre de réadaptation de la Pierre Blanche qui a malheureusement fermé à Estavayer en 2020. Notre projet vise à combler cette lacune.
Ce programme sera-t-il pérenne?
C'est le gros point d'interrogation de notre projet. Un projet de recherche pose une question et il faut être ouvert à la réponse. Nous analyserons si c'est faisable pour les patientes, si cela leur apporte quelque chose, et si c'est viable pour l'institution. Je suis confiant: si c'est bien organisé, c'est économiquement viable. Les coûts sont très raisonnables (ndlr: 1500 francs par patiente) car tout se fait en groupe, et on économise sur le long terme car ces patientes retournent plus vite au travail et ont moins de risques de récidive. Si le programme aboutit, il pourrait être appliqué dans le cadre du traitement d'autres cancers, comme le cancer du côlon et le cancer des poumons.
Que représente ce mois d'Octobre Rose pour vous?
C'est l'occasion de sensibiliser à cette maladie qui touche environ 300 femmes par an dans le canton, dont 150 de moins de 65 ans. Ces femmes se retrouvent isolées, souvent dans ce qui devrait être la meilleure période de leur vie. Il est important de leur montrer du soutien et de faire connaître les solutions comme notre programme de réadaptation, qui sera d'ailleurs le thème de notre conférence publique annuelle du 6 octobre.