Franz Treichler: "On espère tenir encore un moment"

Fort de 40 ans de rock, The Young Gods fera vibrer le Bad Bonn Kilbi ce jeudi. Interview de son leader, compositeur et guitariste, Franz Treichler.

Franz Treichler, leader rock depuis plus de 40 ans, était chez RadioFr. pour parler du nouvel album du groupe, "Appear disappear". © RadioFr.

Cette année marque les 40 ans de The Young Gods - comment vivez-vous cet anniversaire?

On a commencé en mai 1985, donc ça fait quarante ans cette année. On n'a pas beaucoup parlé de ça parce qu'il y a l'album qui sort, et c'est plus important de montrer qui on est maintenant. On est très fiers d'avoir tenu quarante ans et on espère que ça va tenir encore un moment. Ça se présente bien parce que l'album est bien reçu. On a la pêche, on a une bonne énergie en ce moment.

Est-ce un retour aux sources avec ce nouvel album rock, "Appear disappear"?

Quand on dit "retour aux sources", c'est toujours un petit peu confus pour moi. En quarante ans, tu peux voir différentes sources. On a commencé assez expérimental, déjà rock, mais on mélangeait beaucoup plus. On a toujours eu des espèces d'allers-retours entre l'expérimental et le plus rock. Ce n'était pas à cause de nos quarante ans qu'on a décidé de faire un album rock - c'était le contexte sociopolitique.

Comment l'actualité a-t-elle influencé ce nouvel album?

Un album, c'est comme un polaroïd de ce qui s'est passé dans nos vies ces trois-quatre dernières années. Il y a eu le Covid, la division de la société, toutes ces guerres - l'Ukraine, Gaza. Tout ça, ce sont des choses qui nous attristent énormément. On avait envie de réagir à ça à notre manière : comment être positif, comment donner une énergie positive aux gens pour garder la pêche dans un environnement comme ça?

Votre son peut être agressif - comment le conciliez-vous avec cette énergie positive?

Je fais une grosse différence entre quelque chose d'agressif et de violent. Pour moi, la violence, c'est un élément naturel - les volcans, l'océan. Ce sont des choses violentes mais pas forcément agressives. Ce n'est pas dirigé pour faire mal. Notre musique s'associe plus à ça - c'est une énergie brute, comme la lave, comme une boule de feu. C'est impressionnant, mais pas dirigé pour faire mal. Pour moi, c'est comme un coup de pied aux fesses plutôt qu'un coup de poing dans la gueule. C'est censé donner une énergie positive, te faire réagir, te réveiller.

Quel message voulez-vous faire passer avec cet album?

On avait un titre de travail qui était "anticapituler" - ne pas capituler, ne pas baisser les bras, ne pas croire qu'on ne peut rien faire. Il faut garder nos valeurs: croire aux droits humains, à l'égalité, à l'antiracisme, être tolérant. Ces valeurs fortes, il ne faut pas croire qu'on n'a plus besoin de les défendre. Il faut continuer, justement de plus en plus, vu qu'il y a tellement de valeurs qui sont en train de disparaître.

Est-ce plus compliqué aujourd'hui que dans les années 80?

Dans les années 80, c'était beaucoup plus facile de voir où étaient les "bad guys" et les "good guys". Maintenant, c'est très compliqué parce que dans ton quotidien, en tant que citoyen lambda, tu fais des gestes qui ont des implications. Si tu savais les conséquences, tu ne le ferais pas - la fast fashion, le consumérisme moderne. Tu ne te rends même pas compte. C'est compliqué de se dire quel choix faire, comment se compliquer la vie pour être en accord avec ses valeurs.

Vous parlez d'un concept d'apparaître et disparaître, "Appear disappear", le titre de votre album, que signifie-t-il?

Ce n'est pas une clé, c'est plutôt un état de choses. Il y a des fois, comme maintenant, j'ai le micro donc je fais la grande gueule, je parle de plein de choses - j'apparais. Et il y a des fois, je disparais, c'est-à-dire que parfois, je suis comme tout le monde, j'en ai par-dessus la tête et je dois m'éloigner parce qu'il y a trop de choses qui me prennent de l'énergie. The Young Gods a toujours un peu fait ça.

À 64 ans, comment vivez-vous cette étape de votre vie?

Il y a le côté éphémère des choses, les êtres chers qu'on perd autour de nous. Finalement, on est là, on apparaît un moment, puis après on disparaît, et on ne sait pas trop quand. Il y a de la beauté là-dedans aussi.

Quel rôle joue la musique dans tout ça?

La musique est non seulement un art poétique qui peut faire du bien aux gens, mais c'est aussi quelque chose qui peut pointer du doigt certains points. Elle peut faire rêver, faire planer, parfois guérir les gens. Ça m'a beaucoup aidé à grandir quand j'étais ado, d'écouter des groupes - j'avais l'impression d'avoir trouvé des gens qui comprenaient mon état d'âme. On essaie de donner cette énergie aux gens, de leur dire qu'on n'est pas tout seul. Il y a une espèce de langage qui parle directement à l'âme.

Vous partez en tournée dans toute l'Europe, qu'est-ce que ça représente pour vous?

C'est ça le privilège de la musique: elle n'a pas de frontière. Tu peux avoir des résonances autant au fin fond de la Pologne qu'au Portugal ou en Angleterre. Ça va plus loin que la politique du moment, plus loin que le Brexit. C'est quelque chose de plus profond. Il y a des gens qui ressentent ces choses-là et qui viennent te voir parce qu'ils captent cette énergie et ça leur en donne. C'est ça qui est magique avec la musique: c'est rassembleur, ça unifie.

RadioFr. - Martin Zbinden / an
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