Fauste: "Les femmes dans la musique sont invisibilisées"

De Baron.e à Fauste: Faustine Pochon embrasse sa carrière solo sans compromis. La Fribourgeoise sort son single "Vilaine Fille" le 6 novembre avant son EP Hardcoeur.

Faustine Pochon était l'invitée de Fribourg fait Maison jeudi. © La Télé

Radio Fribourg : Vous êtes Faustine Pochon à la vie, Fauste à la scène. Après cinq ans d'aventure avec Baron.e, vous avez décidé de vous lancer dans une carrière solo. Comment ça se passe ?

Fauste : Ça se passe bien, merci. Là, c'est un peu le début. J'ai sorti deux morceaux pour le moment, j'ai fait quelques concerts par-ci, par-là. Et là, je m'apprête à sortir mon troisième single, Vilaine Fille, qui annonce la sortie d'un EP en janvier.



On va découvrir tout de suite quelques notes de Vilaine Fille. Pour l'entier du single, il faudra patienter jusqu'au 6 novembre. On voit de l'électro pop, un peu de reggaeton. Qu'est-ce que vous avez voulu dire et faire avec cette chanson ?

Vilaine Fille, c'est parti d'un ras-le-bol, je pense, et de beaucoup de colère accumulée sur des petites choses du quotidien qui font que c'est toujours un peu compliqué d'être une femme en 2025. J'avais envie de faire un morceau qui montre que les femmes sont des guerrières, qui soit motivant et empouvoirant.

On sent un peu la révolte dans cette chanson. La couleur rouge est très présente. Pourquoi ?

Je pense que c'est un peu un hasard ou peut-être un mélange de plein de choses. Mon EP va s'appeler Hardcoeur et je parle de plein de choses liées au cœur. Je pense que c'est vraiment un peu un journal intime de toutes mes émotions. On parle de colère, mais aussi de passion, d'amour. C'est un peu la couleur qui incarne ça. J'ai un peu pris cette direction sans même trop m'en rendre compte. Je me suis rendu compte que je faisais partie du duo Baron Baron et qu'on a souvent été associés à la couleur bleue. Je ne sais pas trop pourquoi, si c'était l'énergie qu'on dégageait ou quoi, mais souvent nos visuels étaient bleus. Du coup, je trouvais que c'était une chouette manière de prendre une autre direction.

Vous avez fait cinq ans aux côtés d'Arnaud Rolle. Vous avez décidé de vous séparer après votre résidence artistique à Paris. Qu'est-ce qui s'est passé ?

Il s'est passé beaucoup de choses à Paris. Je pense qu'on s'est les deux rendu compte qu'on avait fait un magnifique bout de chemin et que si on l'étirait, on n'allait plus avoir de plaisir dans ce projet. Je pense que les deux, on a mis aussi du temps à s'avouer qu'on avait envie d'autres choses, d'explorer d'autres styles de musique et d'avoir nos projets personnels. C'était une décision pas facile, mais je pense qu'on l'a prise au bon moment. Et là, j'ai aussi beaucoup de plaisir à voir ce que fait Blue Boy Express, le projet d'Arnaud. Le duo, c'est un format qui est génial, mais je pense que là vraiment, j'apprends énormément de choses aussi sur moi avec ce projet solo.

Justement, qu'est-ce que vous avez appris de ce duo et qu'est-ce que vous faites différemment aujourd'hui ?

J'ai appris énormément de choses de ce duo. C'était ma première entrée dans le milieu de la musique. C'était des débuts très naïfs. Grâce à Baron.e, j'ai découvert la scène, j'ai découvert tout ce qui entoure un projet musical. Et donc là, je pense que c'est un projet peut-être un peu plus mature, un peu plus professionnel. Je sais comment c'est un projet. Je pense que j'ai commencé Faust en sachant déjà quelles lignes je voulais prendre, quelles lignes aussi esthétiques. J'ai envie de ne pas avoir peur en fait dans Faust, que ce soit dans les styles musicaux, dans les prises de parole, dans l'esthétique aussi. J'ai envie d'être pleinement moi et de ne pas trop faire attention à ce qu'on attend de moi.

Vous utilisez aussi vos chansons pour vous révolter. Vous avez récemment fait un post sur Instagram, un coup de gueule contre un festival. Qu'est-ce que vous avez voulu dénoncer ?

J'ai voulu dénoncer la place des agresseurs dans les festivals. Il y en a toujours trop et puis je pense qu'on est vraiment encouragé à se taire et à faire comme si ce n'était pas grave et à ignorer ça. Et je pense que ça suffit. En tant que femme, je trouve qu'en plus souvent les femmes dans la musique sont quand même invisibilisées. Beaucoup programment moins de femmes que d'hommes. Moi j'ai un projet émergent, donc j'ai envie d'avoir de la visibilité. Et c'est horrible de devoir choisir entre avoir une visibilité, mais en même temps être à l'affiche aux côtés d'un agresseur. Je pense que c'est important que tout le monde se responsabilise et qu'on arrête de les programmer ou qu'on mette en place des procédures pour pouvoir les déprogrammer si on apprend plus tard. Il faut que l'aspect juridique aussi change dans les contrats qu'on signe avec les artistes pour se protéger un peu de ça parce que ça suffit d'avoir des agresseurs sur scène.



D'ailleurs, vous venez de signer un contrat en tant que programmatrice d'une salle à Montreux. Vous allez être attentive à cette question de programmer des femmes ?

Oui, c'est clair. Je participerai aussi à une table ronde organisé par Petzi qui va discuter de ces thématiques-là: comment faire des programmations éthiques et responsables. Je vais faire attention à cette question de genre. 

Est-ce que vous diriez que vous êtes devenue plus féministe, plus émancipée avec Fauste ?

Non, je pense que je l'ai toujours été. Je pense que je deviens de plus en plus féministe chaque jour, ça c'est sûr.Je me sens plus légitime d'en parler maintenant que c'est mon projet solo. Ce n'est pas qu'Arnaud n'était pas féministe, mais c'est plus difficile des fois de pousser des coups de gueule à deux. On se pose un peu plus de questions et là, je n'ai plus envie de faire de compromis sur ce que je dis.

Vous avez aussi dit que ça vous terrifiait de monter sur scène toute seule. Avant vous pouviez vous appuyer sur Arnaud. Là aussi vous avez dû travailler sur vous.

Oui, j'ai beaucoup travaillé parce que j'ai fait le choix de monter seule sur scène. Et ça me paraissait important après cinq ans en duo de m'approprier la scène toute seule et de me montrer comme je suis très vulnérable. Mais après j'ai quand même beaucoup travaillé avec une amie qui est danseuse, avec mon amoureux qui est comédien. On a travaillé aussi le mouvement, l'interprétation, la corporalité pour essayer d'habiller cette scène au mieux. J'ai aussi travaillé avec une scénographe qui a fait des décors et l'idée c'était vraiment de créer un espace que cette scène se soit comme presque ma chambre et que j'invite les gens dans ma vulnérabilité la plus simple. Parce qu'en fait je crois que c'est par la vulnérabilité que j'arrive à être puissante. C'est un exercice qui est challengeant mais c'est génial. Je n'ai pas fait encore beaucoup de concerts avec Faust, mais je me réjouis des suivants.

Hardcoeur sera verni le 30 janvier au Nouveau Monde



La Télé / RadioFr. - Karin Baumgartner
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