Fréquentation record pour l'épicerie Caritas de Fribourg

Deuxième épicerie la plus fréquentée de Suisse, le magasin voit sa fréquentation augmenter. Entretien avec Pascal Bregnard.

Pascal Bregnard était l'invité de Fribourg fait Maison jeudi. © La Télé

Les épiceries Caritas de Suisse connaissent une forte hausse de leur fréquentation, et celles du canton de Fribourg n’en font pas exception. Au total, 110'000 passages devraient être enregistrés d’ici la fin de l’année, preuve d’une précarité toujours plus grande.

L’épicerie de Fribourg est même la deuxième la plus fréquentée du pays, derrière celle de Genève. Quelque 550 personnes y passent chaque jour durant ce mois de décembre, soit 100 de plus qu’en décembre 2024.

Pour évoquer cette problématique, Pascal Bregnard, directeur de Caritas Fribourg, était l’invité du Plateau de Fribourg fait maison.

Radio Fribourg : Comment expliquer que l’épicerie de Fribourg soit la deuxième la plus fréquentée du pays, alors que la ville n’est pas l’une des plus grandes de Suisse ?

Pascal Bregnard : Elle répond à un besoin, et cela s’inscrit probablement dans un cadre plus large. La semaine dernière, la Confédération publiait son monitoring de la pauvreté: si l’on additionne les personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté et celles à risque, on arrive à 1,4 million de personnes, soit une sur six en Suisse. La pauvreté est une réalité, même dans un pays prospère.

Du côté de Caritas, nous constatons une hausse de fréquentation non seulement dans les épiceries, mais dans l’ensemble de nos services. À titre d’exemple, nous mesurons le nombre de personnes qui font appel à Caritas chaque jour: en décembre 2024, on était à environ 450 personnes par jour. Aujourd’hui, nous dépassons les 550. Cela montre bien la progression de la précarité.

Peut-on dresser un profil de ces nouveaux bénéficiaires ?

Nous distinguons deux grandes catégories. La première concerne les personnes qui basculent dans la pauvreté après un événement de rupture: maladie, accident, deuil, séparation, chômage… En réalité, tout le monde peut être concerné, vous comme moi. La seconde est la pauvreté héritée: vivre dans un milieu précaire augmente considérablement le risque d’y rester.

Pourtant, en Suisse, on pense souvent qu’il n’y a pas de pauvreté. On dispose aussi de filets sociaux, d’aides étatiques… Ces personnes passent entre les mailles du filet. Est-ce que ce filet est suffisant?

Il existe, c’est certain. Mais est-il suffisant? Les mailles sont encore trop larges. Et les personnes concernées ne sont pas seulement des cas “extrêmes”. Ce sont nos voisins, nos amis: familles monoparentales, familles nombreuses, personnes âgées avec une petite rente… La pauvreté peut toucher toutes sortes de profils. Dans un monde idéal, des associations comme Caritas Fribourg, ou d’autres acteurs sociaux, seraient presque inutiles. Mais nous n’y sommes pas encore, et tout le monde s'accorde à dire que le monde idéal n’est encore pas arrivé.

Les prestations de Caritas ont un coût. La demande augmente, et les épiceries n’ont pas vocation à être bénéficiaires. Avez-vous les moyens financiers de suivre ?

En 2026, ce sera un véritable défi. Nous avons eu la chance, ces deux dernières années, de bénéficier d’un soutien de l’État pour développer notamment les permanences sociales dans toutes les régions fribourgeoises. Cette aide va malheureusement s’arrêter. Nous recevons aussi un fort soutien de la Coopération ecclésiastique catholique, mais elle a déjà diminué ses subsides cette année, et ils seront à nouveau réduits en 2026.

Concrètement, il nous manquera environ 300 000 francs pour boucler notre budget (environ 4,5 millions). C’est très préoccupant: que fait-on si nous ne trouvons pas cet argent? Est-ce qu’on ferme? Aujourd’hui, Caritas dit non. Les Fribourgeoises et les Fribourgeois ont besoin de ces services, y compris dans les régions. Nous voulons les maintenir, et nous allons chercher de nouvelles sources de financement pour compenser ces manques.

RadioFr. - Léo Martinetti
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