Fribourg, un bastion face à la percée du crack en Romandie?

Alors que Lausanne et Genève débloquent des millions, Fribourg reste calme face au crack. État des lieux.

L'Espace de Consommation Sécurisé (ECS) de Fribourg enregistre une quarantaine d'actes de consommation de crack par jour. © KEYSTONE

Le crack et la free base* gagnent du terrain en Romandie. À Lausanne, la municipalité multiplie les mesures d'urgence. À Genève, le Conseil d'État verse 32 millions sur quatre ans pour lutter contre les risques liés à la drogue. Mais à Fribourg, la situation semble sous contrôle. "Pour l'instant, on a de la chance", souffle Sandro Vela, directeur adjoint du Tremplin.

*Le crack est un dérivé de cocaïne porté à ébullition avec du bicarbonate, la free base avec de l'ammoniaque.

Depuis août 2024, l'Espace de consommation sécurisé (ECS) de la route des Arsenaux à Fribourg accueille les consommateurs de crack du canton. Environ 200 personnes y sont inscrites, un chiffre "assez stable" selon Camille Robert, co-secrétaire générale du Groupement Romand d'Études des Addictions (GREA). 40 passages par jour en moyenne, contre 200 à Lausanne. Le crack représente 70 à 80% des consommations dans les locaux du Tremplin.

Le verdict de Sandro Vela tombe: "On est presque plein." L'espace injection et l'espace ventilé pour la fumée tournent à plein régime. "Ils permettent à nos bénéficiaires de consommer de manière sûre et hygiénique: ce qui ne déplace pas le problème vers les zones publiques." La police fribourgeoise confirme que "la consommation de crack n'a pas atteint des proportions comme dans certaines grandes villes suisses." 

Outre la présence de l'ECS, d'autres raisons expliquent cette différence. Les consommateurs fribourgeois préparent eux-mêmes leur crack avec du bicarbonate de soude. "Dans les grands centres urbains comme Lausanne et Genève, on achète le crack déjà cuisiné par les dealers avec de l'ammoniaque. Les substances sont de moins bonne qualité", explique Camille Robert. 

Quand on dort dehors, c'est tellement difficile à vivre que la consommation de substances peut devenir une stratégie de survie pour ne pas être confronté de manière trop violente à ce que l'on vit.

La co-secrétaire générale de GREA précise que ce sont souvent des poly-consommateurs qui mélangent le crack avec d'autres substances. Elle ajoute que cela doit « un peu rassurer » la population, car il ne s'agit pas de jeunes qui, après avoir fumé une fois du cannabis, finissent par consommer du crack dans les ECS.

Le crack: la pointe de l'iceberg

La consommation de crack, c'est "la pointe de l'iceberg", martèle Camille Robert. Elle cite ce qui vient en amont: des problématiques de santé physique, de santé psychologique ou encore de logement. 

Il est notamment question des mesures dites de "housing first", qui consistent à commencer par fournir un toit aux personnes concernées. Selon Camille Robert, sur le terrain, il est évident que tant qu'une personne dort dehors, il est extrêmement difficile de lancer des démarches d'accompagnement et de soins.

"Quand on dort dehors, c'est tellement difficile à vivre que la consommation de substances peut devenir une stratégie de survie pour ne pas être confronté de manière trop violente à ce que l'on vit."

L'ECS ouvert jusqu'à 15h, et après?

Aujourd'hui, l'Espace de Consommation Sécurisé ouvre ses portes seulement en semaine, de 11h à 15h. Au-delà, les consommateurs de crack sont contraints de fumer chez eux ou dans l'espace public. Camille Robert, comme Sandro Vela, sont unanimes sur cette question: il faut étendre les horaires.

"Une demande de subvention a été faite auprès du service du médecin cantonal dans ce sens-là.", précise le directeur adjoint du Tremplin. Interrogée sur le sujet, la police explique mettre " tout en œuvre afin de maintenir ce sentiment de sécurité en étant présent dans la rue."

Liens du Service du médecin cantonal pour l'addiction 

RadioFr. - Nathan Clément
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