André Brodard: "On ne sort jamais content d’une négociation"

À quelques jours de sa retraite, le directeur de la fédération des sociétés fribourgeoises de laiterie revient sur les défis du prix du lait, la pression du marché et l’avenir des producteurs.

Pour André Brodard, le prix idéal du litre de lait est bien loin que les 65 centimes payés en moyenne aujourd'hui-. © KEYSTONE

Radio Fribourg: André Brodard, il vous reste quelques jours avant la fin de l’année, donc avant le début de votre retraite. Savez-vous exactement combien de jours il vous reste ?

André Brodard : Oui, j’ai regardé ce matin parce que je pensais que vous alliez me poser la question : exactement 21 jours.

Y a-t-il un dossier sur votre bureau que vous devez encore absolument boucler avant la fin de l’année ?

Oui, plusieurs. Notamment finaliser les négociations de prix pour le lait 2026. L’interprofession du lait va siéger à nouveau le 15 décembre et nous aurons plusieurs séances entre le 15 et le 19 décembre pour trouver des solutions pour le prix du lait dès le 1er février 2026.

Votre organisation représente 1 200 producteurs et 140 sociétés de laiterie. Pour vous, quel serait le prix idéal du litre de lait ?

Le lait d’ensilage coûte environ 1 franc à produire. Idéalement, il faudrait pouvoir couvrir les coûts avec un prix d’au moins 1 franc. Pour le lait de non-ensilage, on est à plus de 1,20 franc. Aujourd’hui, dans les deux cas, le prix ne couvre pas les coûts de production.

Une association exige le retour d’un lait équitable chez Migros, mais l’enseigne refuse. On a l’impression que c’est la grande distribution qui décide. Avez-vous encore la force de vous faire entendre ?

C’est toujours difficile. Le marché décide. Nous soutenons le lait équitable, où le producteur reçoit 1 franc réel, peu importe que ce soit Migros, Coop ou un autre. Ce qui compte, c’est que le consommateur puisse choisir de payer plus pour mieux rémunérer les producteurs.


Votre fédération est aussi actionnaire majoritaire de Cremo. N’est-ce pas contradictoire de négocier le prix du lait tout en devant faire tourner une entreprise ?

Il faut séparer stratégie et opérationnel. Au conseil d’administration, on discute stratégie, pas prix du lait. Les prix sont négociés au niveau opérationnel. Nous n’intervenons pas directement, ce n’est pas le but. Le marché détermine le prix final. Mais nous avons de bonnes relations avec tous nos acheteurs : Cremo, Nestlé, Elsa...

Aujourd’hui, les prix sont bas, la relève se fait rare, les conditions sont difficiles. Est-ce qu’il vaut encore la peine de produire du lait ?

Une étude publiée au Conseil national indique qu’un producteur qui ne fait que du lait gagne 14 francs de l’heure. Personnellement, je ne travaillerais pas pour ce salaire. Les paiements directs aident, mais ils ne suffisent pas. Vivre uniquement du lait est très difficile. Les exploitations s’agrandissent pour essayer de compenser, mais ce n’est pas toujours la solution.

Pourtant, il y a un surplus de lait. Comment l’expliquer ?

On vend moins à l’export. En Suisse, le marché est bon. Mais le franc fort pénalise fortement les exportations. Il y a aussi le trafic de perfectionnement : les chocolateries peuvent importer de la poudre de lait étrangère pour la réexporter ensuite. Ce sont des millions de kilos non transformés en Suisse. Résultat : surplus, surstocks de beurre, nécessité d’exporter 3 000 tonnes de beurre et 2 000 tonnes de crème à bas prix. Cela pèse sur le prix du lait suisse.

 Le 1er janvier, vous serez remplacé par Sabine Guex. Y a-t-il un dossier dont vous êtes particulièrement fier ?

Pas un dossier en particulier. J’ai toujours voulu fédérer, rester disponible pour les producteurs, garder le dialogue ouvert. Le grand défi reste de motiver les jeunes à poursuivre la production laitière. Aujourd’hui, on a trop de lait, mais demain, on en manquera. Le revenu et les conditions de vie sont essentiels pour convaincre la relève.

Ecoutez l'interview:

RadioFr. - Léo Martinetti
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